Les 10 points clés dans le traitement de la spasticité, Dr G. Le Claire (2004)
 2004

Traitement par administration intrathécale chronique de baclofène

Dr G. Le Claire (Source : « Les 10 points clés dans le traitement de la spasticité », Ed : Regimedia, 2004, p : 25-32) Rééducation Neurologique Adulte, Centre de Rééducation et Réadaptation Fonctionnelles de Kerpape, BP 78 - 56275 Ploemeur Cedex

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Les 10 points clés
Pompe intrathécal à baclofène, Dr Leclaire

Le même texte ci-dessous :

Introduction

L’injection intrathécale directe de baclofène a été proposée dès 1984 par R. Penn dans le traitement des spasticités sévères, chroniques et diffuses d’origine médullaire. Cette technique a été introduite en France par Lazorthes et de nombreux travaux ont été publiés démontrant l’efficacité et la fiabilité de cette méthode par des essais thérapeutiques contrôlés et randomisés.

Les indications initialement limitées aux hypertonies musculaires et spasmes d’origine spinale s’étendent aujourd’hui aux atteintes cérébrales et reposent sur l’existence d’une spasticité multifocale gênante, résistante aux thérapeutiques classiques.

La sélection des patients nécessite une approche pluridisciplinaire rigoureuse et une positivité des tests pré-implantation. Au stade d’administration chronique, au-delà des procédures de suivi, les progrès technologiques autorisent l’adaptation des posologies en fonction des résultats cliniques et des bénéfices attendus des personnes.

En regard des résultats observés sur l’hypertonie, les spasmes douloureux, l’autonomie et la qualité de vie, les complications dont la fréquence est variable sont le plus souvent réversibles. Les pompes actuelles présentent une fiabilité certaine et une durée de vie prolongée.

Les limitations de cette thérapeutique reposent sur les contraintes organisationnelles et le suivi en ambulatoire des personnes.

Historique

Dès 1906, Babinski face à des contractures intenses chez le paraplégique traumatique émet l’hypothèse d’intervention chirurgicale dirigée sur les racines postérieures de la moelle, geste qui sera réalisé deux ans plus tard par Foerster lequel souligne l’intérêt fonctionnel mais aussi les risques inhérents d’un tel traitement : « On y renoncerait sans hésitation si l’on découvrait un jour une substance ayant la propriété d’abolir ou de diminuer la réflectivité tendineuse sans exercer ailleurs sur l’organisme quelque action préjudiciable ».

Ce n’est qu’en 1970 qu’apparaissent les premiers médicaments antispastiques. Aux posologies usuelles, l’efficacité de ces produits par voie orale reste modeste dans les spasticités sévères.

En 1974, le baclofène (acideβ4 chlorophenyl amino-butyrique ) (Lioresal R) est commercialisé sous forme orale. Anti-spastique de référence, les caractéristiques de diffusion par voie systémique sont un mauvais franchissement de la barrière hémato-méningée et une distribution non sélective au niveau du système nerveux central. L’obtention d’une réponse thérapeutique adéquate suppose donc pour cet agoniste GABA-B des doses élevées de produit actif avec comme corollaire le risque d’effets secondaires centraux.

Ces données ont conduit Kroin et Penn à proposer, dès 1984, l’injection intrathécale de baclofène chez 2 paraplégiques présentant une spasticité invalidante avec des résultats significatifs sur l’hypertonie musculaire et les spasmes en flexion avec des doses de principe actif 1 000 fois inférieures à celles nécessaires par voie orale.

En 1985, Siegfriegd et Lazorthes soulignent l’intérêt de cette technique chez l’IMC adulte.

L’efficacité de cette méthode, conservatrice et réversible, a ensuite été confirmée par de nombreuses études cliniques, dans le traitement des spasticités médullaires post- traumatiques et par affections démyélinisantes, puis dans les spasticités cérébrales congénitales et acquises.

L’intérêt de cette thérapeutique a parallèlement conduit à :

- des progrès technologiques importants avec le développement de pompes à débit fixe (Isomed, Tricumed) puis programmables (Synchromed) (Medtronic ; Minneapolis) (1988).
- l’autorisation de mise sur le marché de solution injectable de baclofène dès 1995.
- l’agrément dans les spasticités spinales par traumatisme vertébro-médullaire et sclérose en plaques en 1992 et supraspinales par infirmité motrice cérébrale en 1996.
- le remboursement du matériel implantable en décembre 1998

Principes

L’administration intrathécale de baclofène consiste à injecter directement du produit dans les espaces sous-arachnoïdiens par l’intermédiaire d’un cathéter spinal de façon à obtenir une distribution médullaire sélective.

Le baclofène injectable se présente sous forme d’ampoules dosées à 0,05 mg/ml pour les tests, 10 mg/20 ml et 10 mg/5 ml pour l’administration chronique (respectivement 500 et 2 000 µg). La stabilité chimique se situe à 3 mois, ce qui conditionne la fréquence des remplissages.

En perfusion continue, Kroin a montré que la diffusion du baclofène au niveau du canal médullaire décroît de façon linéaire le long de la moelle épinière avec un gradient de concentration lombaire-cervical allant de 4 à 1. La demi-vie est de 4 à 5 heures. L’état d’équilibre entre les quantités administrées et éliminées est obtenu après un intervalle de 12 à 18 heures, de telle sorte que la dose journalière ne peut être modifiée plus de 2 fois/24h.

Par bolus, la demi-vie est réduite à 90 minutes, la diffusion du produit jusqu’au tronc cérébral intervient 3 à 6 heures après l’injection.

Le matériel le plus couramment utilisé en EUROPE est le système Synchromed qui se compose d’une pompe programmable, d’un cathéter, d’un programmateur externe, d’une imprimante papier, de kits de remplissage et d’accès au cathéter.

- La pompe , appareil en titane comprend 3 parties : un module électronique, une pompe péristaltique, et un réservoir dont le volume varie en fonction des modèles (18 ml pour l’adulte, 10 ml chez l’enfant) (figure 1). Le cathéter en silicone est connecté à la pompe et assure la diffusion du produit dans l’espace intrathécal .

- Le remplissage du réservoir se fait par l’intermédiaire d’un septum central en utilisant des aiguilles de Huber 22 G, l’accès au cathéter est rendu possible par un site protégé ponctionnable par des aiguilles de calibre inférieur (25G).

- Le dispositif de programmation comprend une sonde de télémétrie avec aimant reliée au programmateur (figure2). Les paramètres de réglage peuvent être connus instantanément par télémétrie transcutanée : dose quotidienne, concentration du produit utilisé, mode de distribution (continu simple, continu complexe, bolus périodique…), volume de produit restant dans le réservoir, date d’alarme de la réserve programmée en règle à 2 ml, alarme pile épuisée.

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Fig.1. Pompe Synchromed II

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Fig.2- Matériel de programmation

Sélection clinique et indications

La sélection clinique des patients, conduite de façon pluridisciplinaire, repose sur la sévérité de la spasticité, ses conséquences fonctionnelles et son incidence sur la qualité de vie. Les objectifs du traitement doivent être précisés. Ils varient selon le niveau d’autonomie des personnes :

- tétraplégique dépendant : facilitation du nursing, des sondages urinaires, de l’installation en fauteuil roulant,...
- tétraplégique et paraplégique autonomes en fauteuil roulant : amélioration des actes courants de la vie quotidienne, des transferts, des déplacements en fauteuil roulant, du drainage vésical,…
- paraplégique conservant une déambulation érigée : amélioration des performances de marche,...

Quel que soit le tableau clinique, les objectifs communs sont la réduction de l’hypertonie, des spasmes, de la douleur, la prévention des complications orthopédiques et cutanées. Les patients sont informés des modalités, des limites du traitement et des éventuelles complications.

Les indications classiquement retenues sont les suivantes :

- l’existence d’une spasticité sévère chronique, diffuse, invalidante d’étiologie spinale (traumatisme vertébro-médullaire, sclérose en plaques) et supraspinale (Infirmité motrice cérébrale)
- Score d’Ashworthmoyen supérieur à 3.
- Absence d’amélioration de l’hypertonie avec un traitement médical optimal ou responsable d’effets indésirables.
- Affection non ou peu évolutive.
- Age supérieur ou égal à 6 ans.
- Possibilité chirurgicale d’implantation.
- Compréhension de la thérapie et compliance au suivi.
- Les autres indications sont les paraplégies spasmodiques familiales, les spasticités secondaires à un traumatisme crânien grave, les hémiplégies vasculaires, les séquelles de coma anoxique.

Les contre-indications aux tests et à l’administration chronique

 : sont représentées par les antécédents d’allergie au baclofène oral, de comitialité, les épines irritatives non traitées (escarre, lithiase, infection intercurrente,…), le sepsis chronique, l’impossibilité d’anesthésie et donc de chirurgie, un profil psychologique ou un contexte environnemental non propice au suivi.

Tests pré-implantation

Les tests pré-implantation constituent l’étape décisionnelle la plus importante et sont réalisés par perfusion continue ou par bolus.

La perfusion continue requiert l’utilisation d’une seringue électrique reliée à un site implantable ou à un cathéter, l’extrémité étant positionnée en regard du cône terminal.

La dose initiale se situe habituellement à 50 µg/24 heures, est augmentée biquotidiennement. Une dose de charge supérieure est préconisée par certaines équipes. La dose journalière est en règle doublée dans les spasticités cérébrales d’origine traumatique et peut atteindre 900 voire 1200µg/24 heures.

Cette technique, véritable test grandeur nature, a pour indications principales les spasticités encéphaliques par traumatisme crânien grave en phase aiguë, ou secondaire à une infirmité motrice cérébrale, mais aussi les paraparésies spasmodiques médullaires chez des sujets marchants.

Les injections intrathécales en bolus peuvent être réalisées :

- Par ponction lombaire directe, l’intervalle entre 2 injections étant de 48 voire 72 heures.
- Par site implantable et cathéter, l’extrémité se situant en regard du cône terminal, les doses test sont débutées à J3, J5.
- Par cathéter et filtre antibactérien (figure 3), la première injection est effectuée dès le 2 ème jour post-implantation.

Les posologies concernant l’adulte sont classiquement pour le 1 ier bolus de 50 µg et en l’absence de réponse clinique de 75, 100 voire 125, 150 µg.

Chez l’enfant, la dose départ est en règle de 12,5 µg et augmentée par paliers jusqu’à 50 µg.

Ces injections requièrent une asepsie rigoureuse, nécessitent l’utilisation d’ampoules de baclofène d’1ml (0,05 mg/ml). L’administration doit être lente, d’une durée minimum d’1 minute, suivie d’un rinçage de la chambre ou du cathéter par sérum physiologique ou liquide céphalo-rachidien (1 à 2 ml). En fin de programme, le cathéter est adressé systématiquement pour analyse bactériologique (figure 4).

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Fig.3- Cathéter et filtre antibactérien

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Fig.4 - Prélèvement de l’extrémité du cathéter

L’effet initial du bolus intervient 2 heures après l’injection, la réponse thérapeutique étant maximale à la 4 ème heure. L’effet peut se prolonger au-delà de 12 heures. Les paramètres cardio-vasculaires et respiratoires sont surveillés durant toute cette période.

L’incidence clinique est évaluée par les soignants et le patient, le test étant considéré classiquement comme positif lorsque le score d’Ashworth s’abaisse de 2 points dans les spasticités médullaires, d’1 point dans les spasticités cérébrales. La diminution significative de la fréquence des spasmes constitue aussi un critère de positivité.

Les effets indésirables et complications les plus fréquents sont :

le surdosage en baclofène, la rétention urinaire, les céphalées spinales par fuite de liquide céphalo-rachidien, la méningite bactérienne, les épisodes de radiculalgie liées au positionnement du cathéter, enfin le déplacement voire l’expulsion du cathéter.

Implantation et suivi post-opératoire

La pompe est implantée en sous-cutané dans la région abdominale antérieure et connectée au cathéter spinal lequel est glissé à partir d’une ponction lombaire en sous-arachnoïdien, l’extrémité étant positionnée en médio-thoracique ou thoracique bas.

Le volume initial de remplissage est de 10 ml (pompe 18 ml) ou 6 ml (réservoir 10 ml) à une concentration de 500 µg / ml, la programmation s’effectuant sur un mode continu simple.

La dose quotidienne programmée est en règle égale à la dose pour laquelle le test est positif. Néanmoins, les recommandations tiennent compte de la durée de la réponse thérapeutique : inférieure à 12 heures, la posologie/24 heures est égale au double de celle du bolus ; si l’effet s’est prolongé au-delà de 12 heures, la posologie est égale à la dose- test.

Le suivi post-opératoire, outre la surveillance clinique locale et générale, nécessite un contrôle radiologique de la pompe et du cathéter, des télémétries régulières. La reprise du programme de rééducation peut être envisagée 4 jours après l’intervention..

Par la suite, la posologie quotidienne est augmentée progressivement par paliers de 10, 20 % sous surveillance clinique étroite le 1er mois, et poursuivie en règle jusqu’au 18 ème voire 24 ème mois. Les doses sont très variables selon les individus et l’étiologie. Le mode d’administration peut être modifié en fonction des résultats cliniques et fonctionnels. Cette période implique donc une forte participation des patients, de l’entourage et des équipes soignantes.

Le suivi doit être organisé de manière rigoureuse : adaptation de la dose journalière, du mode de programmation ; dépistage d’incidents techniques ou pharmacologiques ; remplissage programmé.

La fréquence des remplissages est fonction du débit, de la concentration utilisée mais ne peut excéder un intervalle de plus de 3 mois compte tenu de la stabilité chimique du produit.

Le matériel utilisé est le suivant (figure 5) :

- une tubulure avec clamp,
- 2 seringues (20 ml),
- 1 aiguille de Huber calibre 22G,
- 1 filtre antibactérien,
- 1 gabarit si nécessaire.
- 1 ampoule de 10 mg/20ml de baclofène pour des doses/24 heures inférieures à 100µg, 2 à 4 ampoules de 10 mg/5ml pour des posologies supérieures.

La procédure comprend plusieurs temps :

- télémétries d’interrogation et de nouvelle programmation,
- repérage du septum central, vidange complète du réservoir par aspiration avec vérification du volume résiduel,
- remplissage lent (1mn) de 18 ou 10 ml selon le volume du réservoir (figure 6),
- nouvelle télémétrie de suivi 48 heures plus tard pour les équipes non familiarisées à cette technique

Ces remplissages sont réalisés dans un environnement dédié avec une asepsie rigoureuse.

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Fig.5- Kit de remplissage

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Fig.1- Remplissage du réservoir

Il n’existe pas de nomenclature officielle pour ces actes. A ce jour les ampoules de bacloféne ne sont toujours pas remboursées.

Incidents et complications

Les complications de l’administration chronique, dont la fréquence est variable , peuvent être liées au médicament, à une erreur de programmation, et/ou de concentration, à la procédure chirurgicale, au matériel.

Les principaux effets secondaires rencontrés sont rares et transitoires : modifications tensionnelles, troubles de l’équilibre, nausées, constipation, somnolence, hypotonie, rétention urinaire. La qualité des érections et la possibilité d’éjaculations peuvent être altérées ce qui suppose une information préalable des patients.

Le risque d’induction d’une épilepsie n’est pas clairement défini, aussi bien chez des patients sans antécédent ou dans les suites d’un traumatisme crânien.

Le surdosage en baclofène, le plus souvent réversible, annoncé par un tableau d’hypotonie axiale ascendante, majorée par des troubles de la conscience pouvant aller jusqu’au coma impose l’arrêt de la pompe, la vidange du cathéter complétés de ponctions lombaires soustractives, et peut nécessiter une prise en charge en réanimation compte tenu du risque de dépression respiratoire. L’intérêt de la physostigmine n’est pas démontré.

Le sevrage brutal en baclofène constitue la complication la plus grave pouvant aboutir au décès. Suspecté devant une recrudescence de la spasticité souvent associée à des manifestations prurigineuses, le tableau clinique, en l’absence de reprise du traitement, se complique d’hyperthermie, de rhabdomyolyse et d’un retentissement métabolique majeur.

Les complications liées à l’intervention sont dominées par les céphalées spinales, les collections liquidiennes, la nécrose cutanée, l’hématome de paroi, l’infection du site d’implant et la méningite bactérienne.

Les incidents techniques concernent essentiellement le cathéter : déconnexion, plicature (figure 7), obstruction, fracture, perforation (figure 8), déplacement. Les dysfonctionnements de pompe sont rares. Ces différentes complications sont suspectées en cas de recrudescence de la spasticité, malgré des posologies croissantes de baclofène. Les contrôles radiologiques du cathéter et télémétriques de la pompe sont nécessaires au diagnostic. L’impossibilité de repérage du septum central lors d’un remplissage évoque un retournement in situ de la pompe (Twiddler Syndrom).

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Fig.7- Plicature du cathéter

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Fig.8- Perforation du cathéter

Résultats

Depuis les travaux de Penn, l’efficacité clinique de l’administration directe périmédullaire de baclofène à été largement démontrée. Dans toutes les séries, la sélection des patients repose sur une spasticité diffuse et invalidante (score d’Ashworth > à 3) résistante aux traitements antispastiques oraux à dose optimale et sans contre-indication majeure. Les tests pré-implantation sont considérés positifs lorsque le score d’Ashworth s’améliore d’1 point au minimum. En bolus intrathécal, 85 % des patients sont répondeurs pour des doses comprises entre 50 et 100 µg. Les perfusions continues sont réservées à des indications précises.

Indépendamment de l’étiologie, l’injection intrathécale chronique du produit induit une diminution de l’hypertonie et des spasmes douloureux, sous réserve d’une augmentation graduelle des doses au cours de la 1 ère année. Il n’y a pas de conclusion unanime concernant la dose long terme par rapport à la pathologie.

Dans les spasticités spinales, Lazorthes, rapporte des résultats cliniques plus satisfaisants dans les paraplégies post-traumatiques. Parke, Azouvi, Dario se sont intéressés aux bénéfices fonctionnels . Les gains les plus significatifs observés sont : l’amélioration de la station assise chez le quadriplégique dépendant, la facilitation de l’hygiène, de l’habillage et des transferts chez le paraplégique, la restauration d’une déambulation érigée et l’amélioration des performances de marche en cas de paraparésie spasmodique. Ce dernier bénéfice n’est cependant pas partagé par tous les auteurs. Plus récemment Middel souligne l’effet d’un tel traitement sur la qualité de vie et plus spécifiquement sur la mobilité, les soins, l’hygiène, les douleurs et le sommeil.

Les publicationsconcernant les pathologies supra-spinales sont moins nombreuses et plus hétérogènes.

Albright, dans une population d’enfants IMC, retrouve une amélioration de la spasticité chez tous les patients implantés. L’efficacité est dose-dépendante, et les résultats les plus significatifs sont observés chez les tétraparétiques autonomes en fauteuil roulant, et conservant des possibilités de verticalisation ou de marche .Ces résultats sont confirmés par Gersztern. Armstrong à montré que l’infusion intrathécale de baclofène facilitait le nursing dans un groupe d’enfants IMC dépendants.

Dans une population de cérébrolésés d’étiologies variées, Rawicki fait état de résultats similaires c’est-à-dire une amélioration des soins de base pour les patients les plus lourdement handicapés, des actes courants de la vie quotidienne chez les partiellement autonomes, des performances de déplacement lorsque la marche est conservée.

Meythaler s’est intéressé plus récemment aux spasticités cérébrales par lésion traumatique et vasculaire et rapporte une réduction significative de l’hypertonie des membres supérieurs et inférieurs. L’incidence fonctionnelle est variable et dépend du niveau d’autonomie.

Enfin, des travaux sont en cours concernant l’intérêt d’un tel traitement chez le traumatisé crânien en phase aiguë.

Toutes étiologies confondues, la mèta-analyse de Sampson regroupant 17 publications confirme ces résultats : amélioration du nursing et de l’hygiène (92 %), de l’installation en fauteuil (86 %), des déplacements en fauteuil roulant (72 %), des performances de marche chez les patients déambulants (40 %). 11 % des sujets ont récupéré une marche avec aide et moins de 10 % ont observé une dégradation de leur capacité de déplacement.

La fréquence des complications est évaluée entre 0 et 40 % selon les séries. L’analyse rétrospective multicentrique de Stempien et Tsai concerne 40 centres et 936 implantations : Le taux d’infection se situe à 1,6 % avec une variabilité importante selon les séries (0 ; 20 %). Ces infections conduisent en règle à l’explantation du matériel. Murphy observe leur fréquence élevée chez l’enfant IMC dépendant et de petit gabarit. Les surdosages en baclofène sont rares, le plus souvent réversibles et retrouvés pour des doses quotidiennes supérieures à 800 µg/jour. Le taux de complications mécaniques est de l’ordre de 6 % et sont en relation principalement avec le cathéter.

Notre expérience a débuté en 1999 , et concerne actuellement 49 patients dont 4 enfants, 41 ayant bénéficié d’une d’implantation pour administration chronique, 8 étant en attente de chirurgie et 3 d’entre eux n’ayant pas donné suite à l’issue des tests : 33 sujets présentaient une spasticité d’origine médullaire (SEP : 14, TVM : 11, Strumpell-Lorrain : 4, Syringomyélie : 1, autres : 3) et 16 une spasticité supra-spinale (IMC : 9, TC : 3, séquelles anoxiques : 3, Locked In Syndrom : 1)

Les tests pré-implantation ont été réalisés par bolus à posologie progressive (cathéter et filtre anti-bactérien chez l’adulte ; chambre implantable pour l’enfant). Tous les patients sont répondeurs pour des doses comprises entre 25 et 100µg, la médiane se situant à 50µg.

Nous avons observé comme effets délétères 6 céphalées spinales, 1 hypotonie axiale, 2 épisodes de radiculalgie résolutifs à l’ablation du cathéter, 1 rétention d’urine, 1 méningite bactérienne ainsi qu’une expulsion du cathéter.

L’implantation de la pompe est effectuée selon les modalités classiques. Le cathéter spinal est monté en médiothoracique en cas de quagriplégie. La posologie initiale/ 24 heures se situe à 47µg (25 – 75) ce qui correspond à la moyenne des doses-test. Le baclofène est distribué sur un mode continu simple. Par la suite la dose quotidienne est augmentée par paliers de 10 à 25 µg durant une période de 18 à 24 mois. La dose moyenne à long terme efficace s’établit à 233µg (38 – 840). Cette posologie présente de grandes variabilités inter-individuelles , est plus élevée dans les spasticités supra-spinales par traumatisme et séquelles de coma anoxique et par lésion médullaire traumatique. 30% des pompes sont programmées en continu complexe. Le recul moyen post-implantation est actuellement de 34 mois (1-60)

Le score d’Ashworth est passé de 4,3 à 2,1 pour l’ensemble de la population. Les résultats clinique les plus significatifs sont observés dans les spasticités médullaires et par infirmité motrice cérébrale.

La satisfaction des patients est appréciée par échelle visuelle analogique (0 -10) et se situe à 6,75 +/- 1,70. 2 personnes signalent une aggravation fonctionnelle (SEP) mais ne souhaitent pas l’arrêt du traitement.

Les inconvénients recensés à travers un questionnaire anonymisé sont : le volume de l’implant (27%), la douleur lors des remplissages (23%), le caractère contraignant de la thérapie (15%).

Les incidents et complications rencontrés à cette phase sont les suivants :

- Immédiats : 3 hématomes, 2 collections liquidiennes péri-implant, 2 syndromes méningés non fébriles.
- Secondaires : 2 crises convulsives généralisées survenues dans les suites d’un changement de posologie, 2 phlébites extensives, 1 surdosage, 4 ruptures de cathéter, - un dysfonctionnement de pompe, 1 retournement in situ.

5 des 9 pompes implantées en 1999 ont été remplacées au cours du 2 ème semestre 2003, la pile du système étant épuisée.

Conclusion

L’administration intrathécale continue de baclofène constitue un traitement de référence et de première intention des spasticités d’origine médullaire. Plus récemment, la place de ce traitement s’est précisée dans les spasticités d’origine cérébrale congénitale et acquise. La sélection des patients repose sur des arguments cliniques bien définis et partagés par la majorité des équipes. Les tests pré-implantation sont de réalisation simple et les modalités de l’administation chronique parfaitement codifiées. Le taux de complications est faible sous réserve d’une technique irréprochable. Ce traitement conservateur, modulable et réversible entraîne un bénéfice fonctionnel, une amélioration de la qualité de vie pour la plupart des patients. Les progrès technologiques en cours vont probablement limiter le coût économique et faciliter le suivi ambulatoire des personnes.

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