Dynamique de projet et lésion médullaire récente
mercredi 26 mars 2008

Dynamique de projet chez la personne avec une lésion médullaire récente, lien interne - Format : PDF (132ko) - Auteur : Nathalie Zaccomer : Psychologue à APF Ecoute Infos (octobre 2007)

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La dynamique de projet est intimement liée à la traversée des phases dépressives. Quand la personne est encore dans une phase de remaniement identitaire, il lui est difficile de concevoir des projets de vie à long terme. Elle peut cependant, au cours des 3 ou 4 premiers mois après l’accident, faire des projets partiels en termes de compensation avec les aides techniques qui lui sont proposées et elle est souvent sur le plan fonctionnel très occupée par l’apprentissage de certaines tâches (transferts, auto-sondages…) et par le maniement de ces aides techniques.

Cependant, on ne peut pas bousculer le rythme de chacun et tant que la personne récemment accidentée n’aura pas pris la mesure de ce qu’elle voudra faire de sa vie désormais avec le handicap, il sera difficile de finaliser des projets matériels tels que la mise en accessibilité du logement, l’achat ou l’adaptation d’un véhicule, l’obtention d’un fauteuil roulant.

Tant que les professionnels sentiront que la personne est hésitante sur certains points - fauteuil plutôt à usage sportif ou à usage intérieur, quelles options… ?,

  • soit ils laisseront les choses en attente en essayant de proposer du matériel de location par exemple ou en prolongeant une période d’essai de matériel (qui a cependant ses échéances)
  • soit ils choisiront du matériel pour la personne en fonction de normes standards et pré-établies mais qui ne feront pas obligatoirement son affaire une fois que ses choix de vie seront faits.

Dans les deux cas, la personne concernée par le handicap aura matière à s’en plaindre évidemment. Cependant, rien n’est figé et transposable d’une personne à l’autre. Certaines personnes restent pendant des années sans possibilité de faire des projets à moyen terme parce que leurs dossiers de demande d’indemnisation ou de financement, restent bloqués sans que les travaux d’aménagement du logement puissent se faire ou l’adaptation d’un véhicule par exemple. Dans ce dernier cas, on peut se demander si ne surajoutent pas dans la réaction dépressive les deux phénomènes et de survenue du handicap d’une part, et de blocage dû à l’inadaptation de l’environnement d’autre part.

Dans l’article de Bénony (1), il est décrit une étude de Munoz et al (1993) (2) montrant chez 24 patients n’ayant pas de problèmes de ressources financières et handicapés depuis moins de 30 mois, une absence de projet de vie à moyen terme. D’après Bracken (1993) (3), les patients atteindraient une période de stabilité relative après « une période de deuil » de 4 ans environ. Cela est bien sûr variable d’un individu à un autre et très dépendant de l’entourage de la personne. L’attitude de l’entourage est fondamentale dans la maturation d’une dynamique de projet : selon que la personne récemment accidentée aura à gérer l’angoisse de son entourage ou sa protection excessive (qui peut traduire son angoisse), elle pourra être encline à faire semblant, à s’empresser de prouver que… sans prendre le temps de vivre et d’exprimer son abattement ou au contraire à se laisser aller et prendre en charge par les autres. Par conséquent, l’éducation et la prise en charge de l’entourage par le corps soignant est aussi importante que celle du blessé lui-même. Le positionnement du corps soignant et des travailleurs sociaux est également fondamental dans l’accompagnement des personnes vers un projet de vie : susciter et répondre aux questions au fur et à mesure, ne pas anticiper des réactions émotionnelles possibles comme la dépression tant qu’elles n’y sont pas. Ne pas « juger » la plainte exprimée au regard d’autres atteintes chez d’autres patients, paraissant plus graves au soignant que celles dont parle le patient… L’évolution positive en termes d’élaboration de projets de vie, à la sortie du Centre de Médecine Physique et de Réadaptation, tient à ce que la personne aura investi de façon maximale au Centre tout ce qui lui permettra de redevenir le plus autonome possible. Cela va dépendre d’une quantité de facteurs tels que le positionnement de l’équipe, les conditions de l’annonce du handicap, la personnalité du blessé et le contexte dans lequel survient l’accident, les traumatismes antérieurement subis sur le plan psychologique pouvant être réactivés à cette période délicate, le positionnement de l’entourage.., d’une part et d’autre part au fait qu’il y ait entre cet investissement et la rencontre de la réalité extérieure à la sortie du Centre une distorsion minimale. Un accompagnement dans la récupération d’une autonomie la meilleure va consister, dans certains cas et entre autres choses –notre association travaille à la structuration de ce type de projet en termes de formation et de suivi- à la mise en contact des nouveaux blessés avant leur sortie du Centre avec des « anciens » ayant surtout un grand sens de l’écoute et une aptitude à témoigner sans donner des conseils, une capacité à orienter aussi en fonction des besoins. La rencontre du « semblable » peut parfois délier les langues, permettre des identifications mutuelles à condition que cela soit accompagné et valorisé par les professionnels …

(1) Psychologie des paraplégies et tétraplégies accidentelles – H. BENONY (Univ de Bourgogne, UFR Sciences Humaines, Dépt de Psychologie – LPCS-), C.REVEILLERE (Univ de LilleIII, UFR de Psychologie), C.POPOFF (Centre APF, Foyer « Grafteaux », Villeneuve d’Asq), …, Revue de Psychologie Appliquée, 2 ème trim 1998, vol 48, n° 2, p 81 à 87.

(2) MUNOZ, M, LABROUSSE, C BARAT, M SALLE, JY DUDIGNON, P N’GUYEN VAN TAM, P, GUINVARC’H, S et CASTELLARIN, M (1993) Insertion sociale et qualité de vie chez les paraplégiques, in Evaluation de la qualité de vie, Ss la Direction de . Hérisson, C et Simon, L., Masson, Paris, 181-188.

(3) BRACKEN, M et SHEPARD, MJ (1880) Coping and adapting following acute spinal cord injuries : the last decade and the next, Paraplegia, 30, 77-82.

Nathalie Zaccomer : Psychologue à APF Ecoute Infos (octobre 2007)